MUSIQUE À VOIR
29 Avr - 17 Sep 2017
LAAC / DUNKERQUE

JEAN TINGUELY, YVES KLEIN, NAM JUNE PAIK, JOHN CAGE, VICTOR
VASARELY, PIERRE BASTIEN, CÉLESTE BOURSIER-MOUGENOT, CHARLES
BLANC-GATTI, HENRY VALENSI, FÉLIX MARLE, PIERRE ALECHINSKY, PAUL
PANHUYZEN, JIRI KOLAR, PASCAL BROCCOLICHI, KARLHEIN STOCKHAUSEN
JÉRÔME PORET, KAREL APPEL, CARSTEN NICOLAI, PETER VOGEL, LADISLAV
NOVAK, BEN VAUTIER, CÉCILE LE TALEC, STÉPHANE BLANQUET, OLIVIER
DEBRÉ, DANIEL HUMAIR, AUGUSTE HERBIN

« Musique à voir » au LAAC de Dunkerque explore les relations entre les arts
plastiques et la musique à travers cent cinquante œuvres visuelles, sonores
et installations d’une vingtaine de plasticiens et compositeurs contemporains,
de Victor Vasarely à Nam June Paik, en passant par John Cage. L’exposition a
été conçue par Jean-Yves Bosseur qui, en tant que musicologue et musicien
nomade, compositeur de musique électro-expérimentale, fut le spectateur
direct d’une partie importante de l’art du vingtième siècle et des divers
courants qui ont traversé la musique contemporaine au cours de ce siècle.
Il a notamment étudié aux côtés de Karlhein Stockhausen et collaboré avec
John Cage et Merce Cunningham ou encore Pierre-Henry.
L’expérience et les rencontres qu’a effectuées Jean-Yves Bosseur ont forgé
sa vision décloisonnée de l’art, qui rejette toute frontière entre les disciplines
et qui attribue aux frictions et aux télescopages provoqués par la cohabitation
des différentes formes artistiques la possibilité de renouvellement, d’invention
et de surprise. De cette conviction est née l’exposition « Musique à voir »,
qui explore les relations entre les arts plastiques et la musique à travers cent
cinquante œuvres visuelles, sonores et des installations. Le parcours
s’organise autour de cinq pôles majeurs qui sont autant d’axes de recherche
artistique : les synesthésies, les correspondances structurelles, le rythme
et le temps, les signes et notations et les interactions. De la peinture
musicaliste d’Henry Valensi aux dispositifs visuels et sonores de Nam June
Paik Les œuvres des artistes du mouvement musicaliste tels que Charles
Blanc-Gatti, Henry Valensi ou encore Félix Marle sont représentatives
des synesthésies, c’est à dire de la mise en relation de deux disciplines
artistiques à travers l’équivalence sensorielle comme la couleur, l’harmonie
ou le timbre. Chez Auguste Herbin et Victor Vasarely sont explorées les
correspondances structurelles : la relation entre musique et peinture,
sculpture ou d’autres formes plastiques se développe au niveau de leur
structure formelle elle-même.
Les tableaux de Gérard Schneider, Olivier Debré et Daniel Humair,
représentatifs des débuts de l’abstraction et de l’exploration présence
du mouvement dans la peinture, témoignent du rôle majeur que joue
le rythme, une notion entre temps et espace, dans toutes les disciplines
artistiques. Pour explorer la façon dont le son et sa transmission sont
transcrits visuellement, grâce aux signes et aux notations, l’exposition
présente des partitions où sont mises en évidence les propriétés
graphiques de la notation, notamment celles de Pierre Alechinsky,
Jiri Kolar,Paul Panhuyzen ou encore John Cage. Enfin, le parcours trouve
son point culminant dans les productions d’artistes qui fusionnent si
profondément les différentes disciplines qu’il devient impossible de
classer leurs œuvres dans le registre sonore ou visuel. C’est ainsi le cas
des créations d’Yves Klein, de Jean Tinguely, de l’installation Sound
Wave Input On Two TV Sets (Vertical And Horizontal) de Nam June Paik
ou encore du surprenant dispositif de Céleste Boursier-Mougenot intitulé
From Here To Hear : une œuvre organique et vivante qui associe des
guitares électriques et de petits oiseaux qui s’en servent comme perchoir
et déclenchent par leurs mouvements des accords préenregistrés qui se
mêlent à leur propre chant.


Dipôle, 2017
verre soufflé, support métallique
dimensions : 115 x 70 cm
Collection de l’artiste – production CIRVA Marseille

Imaginée à l’origine comme un véritable objet conceptuel, cette œuvre
réalisée en verre soufflé est le résultat d’une vaste recherche que Pascal
Broccolichi a développée pendant deux ans avec les maîtres verriers du
CIRVA à Marseille. Plus largement on peut dire que le son dicte et structure
la majeure partie des projets de cet artiste et qu’ils l’ont mené à travailler
récemment sur une série d’expériences à partir de l’hypothèse d’un
phénomène sonore rare qu’il appelle « l’harmonique infini ». Il s’agissait ici
d’imaginer des résonateurs acoustiques tout en questionnant les propriétés
physiques et mécaniques du verre pour ainsi démultiplier en chaîne le
phénomène de la fréquence de résonance, jusqu’à ce que le système se
mette à générer un effet de bouclage. À l’issue de ce chantier expérimental,
plusieurs œuvres ont été produites et celle présentée pour l’exposition
« Musique à voir » au musée LAAC de Dunkerque provient elle aussi de cette
série composite que l’artiste appelle des « instruments d’écoute ».
Cependant, Dipôle n’engendre aucun bruit particulier et s’en est même la
caractéristique prééminente tout autant que les formes pures de cet ensemble
verrier rappellent des hanches, des conques et autres pavillons qui dessinent
la silhouette infime et transparente du sonore sans en présenter la moindre
manifestation physique. Autrement-dit, ce qui constitue ici un emboîtement
méticuleux d’éléments posés en équilibre fragile à l’intérieur de deux
imposantes sphères collées l’une sur l’autre, ne sert pas à générer et encore
moins à diffuser des ondes mais à symboliser plutôt un instrumentarium à la
limite des sensations auditives qui explorent l’œuvre jusqu’aux confins de
l’insonorité. Dans ces zones fragiles de sustentation stabilisées, Pascal
Broccolichi y trouve un environnement propice pour interroger les
mouvements presque imperceptibles du champ phonique et l’étendue
visuelle des jeux formels de la sculpture.